Le maintien d’un cheptel apicole productif est devenu de plus en plus complexe ces dernières années. En plus des mortalités, nous devons gérer également la réussite des remérages, c’est-à-dire le fait que les nouvelles reines, qu’elles soient issues de cellules d’essaimage ou d’une division, démarrent leur ponte dans de bonnes conditions, et puissent permettre l’élevage d’un grand nombre d’abeilles, ce qui est indispensable pour un bon hivernage.
Les causes d’un non-remérage peuvent être liées :
- au mauvais temps. Le vol de fécondation n’a pas pu s’effectuer et au bout de quelques semaines, les ouvrières vont tuer la jeune reine (aussi surprenant que cela puisse paraître)
- à la prédation de la reine lors de son vol de fécondation
- lorsque les ruches ou les ruchettes sont trop serrées, la reine peut se tromper de colonie à son retour, dans ce cas elle est tuée par les ouvrières
- à une anomalie, une malformation (par exemple, la larve n’aura pas reçu suffisamment de gelée royale car il n’y avait pas assez de nourrices)
- à une absence de miellée dans les jours qui suivent le vol de fécondation.
Sur ce dernier point, il faut souligner qu’une jeune reine ne commencera sa ponte que si les nourrices la « gavent » de gelée royale. Si ces dernières ne reçoivent pas de nectar et de pollen en quantités suffisantes, le début de ponte est retardé. Plus on avance dans la saison et plus celui-ci risque de ne pas engendrer de population suffisante pour l’hivernage et, de plus, les abeilles peuvent tuer une reine dont la ponte tarde trop. Il ne faut donc pas hésiter à stimuler avec un sirop léger qui imite le nectar (40% de sucre, 60% d’eau), distribué tiède, à petite dose (200 ml pendant 3 ou 4 jours) et le soir (le plus tard possible afin d’éviter le pillage). Il m’est ainsi souvent arrivé de « démarrer » la ponte de jeunes reines.
Dans le cas où cette stimulation ne donne rien, c’est qu’il y a absence de reine dans la colonie. Dans ce cas, il faut y introduire sans tarder des œufs ou des très jeunes larves (à moins de maîtriser l’élevage des reines ou d’en acheter). Nous avons plusieurs possibilités :
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on introduit un cadre entier prélevé dans une autre colonie. C’est efficace mais cela affaiblit la ruche « donneuse » et ce n’est pas toujours possible quand on possède un nombre restreint de ruches
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on prélève un morceau de rayon (un carré de 7-8 cm de côté) que l’on greffera. Cela n’affaiblit pas la ruche et permet de faire un peu de sélection. Effectivement, il faut prélever ces « carrés » dans des ruches repérées pour des qualités comme la douceur, le rendement…
A l’aide d’un bistouri ou d’un greffoir, on découpe ce carré qu’on insère tout simplement dans un cadre de la ruche « receveuse ».
Bien sûr, la réussite du remérage qui suivra n’est jamais garantie mais, ce qui est absolument certain, c’est qu’une colonie qui ne possède pas de reine, sans intervention de l’apiculteur, deviendra bourdonneuse.
Nous sommes dans la dernière moitié du mois de juillet et nous n’avons plus que quelques semaines pour effectuer ce genre d’opération car, bientôt, les mâles vont disparaître des ruches, chassés par les ouvrières et la réussite des vols de fécondation va devenir beaucoup plus aléatoire.
Au centre de ce cadre, j’avais inséré 8 jours auparavant un morceau de rayon comprenant œufs et très jeunes larves. La découpe avait été irrégulière, notamment à droite où l’on voit que les abeilles ont laissé un « vide ». Sans intervention de ma part, cette colonie sur laquelle je ne constatais pas de reprise de ponte après une légère stimulation serait inévitablement devenue bourdonneuse. Les abeilles ont élevé 6 reines, et j’ai même pu en prélever pour greffage (celles du haut, plus isolées).
Sur couvain naissant, j’ai greffé 2 cellules royales dans une colonie issue de division (cadre Warré). Elles ont été acceptées sans problème, la colonie étant orpheline depuis une semaine et les cellules royales édifiées ayant été cassées. Cette technique permet donc de faire de la sélection avec vos meilleures souches.
Colonie « donneuse » : on voit nettement une zone plus claire, correspondant au morceau de rayon prélevé et à des constructions de cire récentes. K.L.