Nous nous étions habitués, depuis quelques années, à ce que le printemps nous offre une certaine générosité en matière de production de nectar… 2024 ne fera pas partie des années record, à part peut-être quelques apiculteurs qui ont récolté sur le colza. Vent, froid, pluie, ce fut le cocktail qui a dominé sur l’ensemble du mois de mai ; par ailleurs, une pluviométrie abondante apporte une bonne réserve dans les sols et favorisera la pousse du trèfle blanc ainsi que la floraison des ronces.
Le gros inconvénient des miels de printemps se caractérise par sa cristallisation rapide, au point même de se figer dans les cadres, empêchant toute extraction possible, que ce soit avec un extracteur radiaire (par mouvements radiaux qui permettent de traiter les deux côtés des cadres simultanément) ou un tangentiel (n’extrait qu’un seul côté du cadre, après extraction du premier, il faut donc le retourner). Après avoir enlevé uniquement les cadres operculés et remplacé ces derniers par des cadres vides cirés ou juste avec une amorce de cire, le miel extrait, de texture très fine est caractéristique de par sa cristallisation rapide, due au pourcentage élevé de glucose. Il faut alors le mettre en pots dans les deux à trois jours qui suivent sa récolte, sinon… on se retrouve avec un bloc de miel dans le maturateur. Une qualité de ce miel, de cristallisation fine : il est facilement tartinable et si vous le souhaitez, vous pouvez en garder quelques kilos pour ensemencer celui d’été afin qu’il soit agréable en bouche.
Lorsqu’on débute en apiculture, on a du mal à prélever des cadres de couvain pour ne laisser que 5 cadres garnis de ponte et de couvain dans les ruches. Ces prélèvements vous permettront, d’abord de constituer des essaims artificiels pour maintenir votre cheptel, ou augmenter son nombre de ruches et le fait de prélever ces cadres, diminuera de façon considérable l’essaimage, tant redouté. Un des signes majeurs de celui-ci reste tout de même que le couvain ouvert devient inférieur à la surface du couvain fermé, lié à un blocage temporaire de la ponte de reine. Cela peut créer un déséquilibre au sein de la colonie entre le nombre de butineuses, de nourrices et de cirières. Puisqu’elles n’ont plus assez de larves à élever, les nourrices vont redistribuer la gelée royale à certaines larves qui deviendront reines et qui provoqueront à leur tour des essaimages.
Il faut rappeler qu’en apiculture le fait d’élever en permanence de nouvelles colonies est une nécessité absolue.
Nous entamons la période dite de disette (parfois appelée « trou de miellée »), qui se traduit par un faible apport de nectar, à part pour les abeilles urbaines. Vérifiez bien l’état de vos essaims artificiels afin qu’ils ne manquent pas de nourriture et n’hésitez pas à les renforcer en couvain ouvert, ce qui ne pénalisera pas la récolte d’été puisqu’il faut 42 jours pour faire une butineuse et si vous êtes bons en maths, 42 jours à partir du début juin feront des butineuses pour la mi-juillet, date d’arrêt de la récolte estivale.
Redonnez des cires neuves à bâtir, cela participera également à diminuer les risques d’essaimage. La miellée d’été débute généralement vers le 10 juin. Les colonies sont dans les « starting block », débordent d’abeilles (environ 70000 à cette période), donnez-leur du travail, des cadres de hausse à construire et si la colonie est très populeuse, n’hésitez pas à mettre une deuxième hausse.
Pour information, saviez-vous qu’un arbre en fleurs d’une trentaine d’années a un potentiel énorme en production de nectar ? D’où l’utilité de planter également des arbres mellifères pour ceux qui possèdent un peu de terrain.
Liste des plantes, arbres et arbustes mellifères :
Si vous êtes curieux et disposez de temps, vous pouvez faire des mini-extractions au fur et à mesure des floraisons, pour avoir des miels de différentes origines florales ; il est vrai que dans la Manche, il est toujours compliqué d’avoir des miels monofloraux car la météo nous joue souvent des tours. N’hésitez pas également à faire construire des cadres de hausse, 2 à 3 par élément, pour toujours avoir de la cire en bel état et essayer de prévenir l’essaimage, moins présent, mais toujours d’actualité.
À partir de mi-juin, un temps ensoleillé, une hygrométrie favorable, des fleurs en abondance et des butineuses en quantité favoriseront le remplissage des hausses ; passez régulièrement sur votre rucher, car en une semaine la hausse peut être pleine et si vous voyez que toutes les conditions sont réunies, vous pouvez mettre deux hausses d’un coup, aucun risque à la saison que le couvain ne refroidisse.
La pose de la deuxième hausse : par-dessus ou par-dessous ? Voilà encore une question qui est régulièrement posée mais qui n’a de réponse que pour les apiculteurs convaincus de leurs certitudes. Nous avons essayé les deux méthodes sans aucune différence significative (sans résultat probant signifierait que ni l’une ni l’autre ne donne satisfaction). Un avantage tout de même de la placer en-dessous, il est plus facile, pour ceux qui font des extractions simultanées, de placer le chasse-abeilles… En tout état de cause, dans le doute, posez une deuxième ou une troisième hausse, cela donnera de la place à la colonie et évitera que les abeilles fassent la barbe sur la planche d’envol. Il faut penser que dans notre région la miellée est courte, donc ne passons pas à côté d’une récolte importante.
Les essaims : vous en avez sûrement récupéré quelques-uns ; n’hésitez pas à les stimuler, ils se développeront rapidement et pour certains vous empliront une hausse. Pensez à les traiter contre le varroa, avant que le couvain ne soit operculé. Un conseil : une quinzaine de jours après sa récupération et après avoir vérifié la ponte sur trois cadres au moins, cherchez la reine et tuez-la, c’est probablement une reine âgée de plus deux ans, et potentiellement essaimeuse. Les abeilles lanceront un élevage royal, et pour ceux qui font en parallèle un petit élevage, introduisez une cellule d’une de vos ruches sélectionnées et pour 2025 vous aurez une colonie dynamique avec moins de risques d’essaimage. Comme toujours, le remérage sera à surveiller de très près. Et même si l’année apicole est loin d’être terminée, celle de 2025 est déjà en préparation…
Après ces quelques conseils, place à la miellée qui, espérons-le, sera abondante. Rendez-vous maintenant en juillet.
A.L. et K.L.